Les Accords du Perreux,
Au delà de la réunification syndicale, une contribution, à l'unification de la Résistance et à l'indépendance de la France
"Les Accords du Perreux", du nom de cette ville du Val de Marne, consacre la réunification de la CGT.
Les contacts se nouent en 1941 entre les deux tendances issues des exclusions de 39, et en septembre 1942, un émissaire de Benoit Frachon (Raymond Semat) accompagné de Louis Saillant rencontre Léon Jouhaux, alors en résidence surveillée à Cahors. Et le 17 avril 43 se réunissent: Robert Bothereau et Louis Saillant représentant les ex-confédérés et Henri Reynaud et André Tollet représentant les unitaires. La négociation dure toute la nuit. Un accord verbal est trouvé. La seule trace écrite sera une circulaire de la confédération (réunifiée) aux UD et FD en date du 5 octobre 44, circulaire dont le contenu ne sera contesté par personne, ni en interne, ni en externe. Les deux axes principaux en sont :
- l'unité d'action des différentes tendances est immédiate dans la résistance,
- l'unité organique est décidée au plan confédéral en respectant la physionomie qui était la sienne en septembre 39. Le bureau confédéral est reconstitué sur ces bases. L'unité se réalisera selon des principes identiques dans les unions départementales (UD) et les fédérations (FD). Les proportions existantes entre les tendances en septembre 39 seront rétablies dans chaque UD et dans chaque FD.
Concernant la représentation des UD au sein des COMITÉS DEPARTEMENTAUX DE LIBÉRATION, il fut décidé:
- que la direction de l'UD aurait à désigner un délégué de son choix au C.D.L. si l'unité départementale était réalisée.
- que dans le cas d'une unité départementale non réalisée, il appartenait à la tendance majoritaire de choisir un délégué.
Le rappel ci dessous de la contextualisation de cette réunification, présentée par Georges Séguy lors d'un colloque consacré à cet événement par l'IHS du Val de Marne en 2003(1), montre, quelles furent, au delà d'un développement des luttes unitaires sur le terrain, et d'un engagement marqué de la classe ouvrière dans la Résistance, les raisons majeures qui guidèrent ceux qui combattaient le nazisme et souhaitaient la libération du pays.
"Fin 1942, soucieux de rassembler sous son autorité toutes les forces engagées dans la lutte de libération nationale, le général de Gaulle crée "la France combattante" censée représenter la Résistance intérieure et extérieure. Le 12 janvier 1943, le Parti communiste français, par son émissaire Fernand Grenier, lui apporte à Londres son adhésion. Au même moment, Jean Moulin, non sans peine, réussit à organiser le Mouvement unifié de la Résistance (MUR), regroupant trois formations : Combat, Libération, Franc-tireur qui transforment leurs groupes francs en "Armée secrète" (AS). Le 2 février 1943, après la défaite de la sixième armée allemande à Stalingrad, s'effondre le mythe de l'invincibilité de la Wehrmacht, l'issue de la seconde guerre mondiale ne fait plus de doute, Hitler sera vaincu.
Mais la Résistance reste très divisée du fait de l'opposition catégorique des dirigeants de certaines formations à la présence des partis politiques et des syndicats au CNR et de leurs réticences à admettre le rôle dirigeant du général de Gaulle. De leur côté les américains et les anglais, très méfiants à son égard parce qu'ils ne lui trouvaient pas l'échine assez souple, avaient ourdi un projet d'administration politique de la France, plus ou moins ouvertement concerté avec certains politiciens vichystes prêts à toutes les turpitudes, qui se serait traduit par une période d'occupation militaire américaine de la France, cautionnée par le général Giraud, proche de Pétain. Pour faire échec à cette machination contre notre indépendance nationale, et visant à empêcher la France d'être l'une des cinq grandes puissances victorieuses, il fallait impérativement qu'à la veille des négociations d'Alger où devait être mis en place le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF), le général de Gaulle puisse se présenter devant les alliés comme le représentant incontestable de toute la Résistance française. C'est ce qui se produisit, presque in extremis, le 27 mai 1943 avec la création du CNR. Les alliés ne purent que s'incliner devant cette réalité incontournable.
Peut-on penser que sans la force de persuasion unitaire qu'eurent les "Accords du Perreux", Jean Moulin serait parvenu à temps à ce résultat "capital" ? Peut-être ! Mais personne ne nous empêchera d'avoir la conviction que dans ces circonstances, la réunification de la CGT fut déterminante."
(1) Mémo Luttes, Bulletin de l'Institut d'Histoire Sociale du Val de Marne, n° spécial, n°29 juin-juillet 2003.